Shafic Abboud : Archives d’un peintre, archives d’un père, une expérience à la croisée des mémoires et des documents
Conversation avec Christine Abboud
Nadia Radwan, University of Bern
« Hériter du fonds d’un artiste est une étrange aventure, qui redessine les contours de votre propre histoire. Mais comment gérer et organiser des œuvres et surtout des documents, alors que l’on est n’est ni historien.ne de l’art ni archiviste… ? » Ce sont par ces mots que Christine Abboud, fille du peintre Shafic Abboud, décrit les défis que pose le travail d’archive et la volonté de ne pas « trahir » l’œuvre et la vie du peintre.
Nadia Radwan : En tant qu’héritière des archives de votre père et, par conséquent, de sa postérité, quelles seraient les étapes de sa vie et de son œuvre que vous souhaiteriez mettre en évidence, ou les aspects qui vous semblent manquer à sa biographie qui nous est connue à ce jour ?
Christine Abboud : J’ai un peu de mal à imaginer devoir me focaliser sur un aspect en particulier parce que dans la façon dont j’aborde ses archives, j’ai l’impression de devoir constamment remailler son histoire pour redonner une cohérence à l’ensemble. Il y a bien sûr des moments très significatifs dans son œuvre mais je ne conçois pas vraiment qu’on puisse détacher un moment ou une préoccupation particulière, en tout cas pas dans cette première approche. J’essaie de reconnecter certains éléments, de les réinterroger et les mettre en rapport avec d’autres.
NR : Est-ce que dans cette « redécouverte » de l’œuvre de votre père à travers l’étude et l’organisation de ses archives, vous avez trouvé des choses qui vous ont surprises ou étonnées ?
CA : Oui, tout le temps, et c’est pour cela que je continue à chercher je crois, car chaque question en appelle une autre, remet en lumière certains éléments que je n’avais pas vus. C’est une quête permanente, on a l’impression que tout se réalimente, c’est assez étrange comme cheminement. Comme je constitue aussi le catalogue raisonné, le point de départ est souvent une œuvre, et c’est plutôt à partir de ce ferment là que j’essaie de tisser des liens avec un évènement de la vie et que j’essaie de re-tricoter l’ensemble.
NR : Le catalogue raisonné de Shafic Abboud, j’imagine que c’est un projet colossal ?
CA : Je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi compliqué, enfin plutôt méandreux. C’est vraiment cet élément vivant des archives que je n’avais pas appréhendé, c’est un matériau qui est tout le temps en devenir et j’ai même un peu de mal à comprendre comment des gens ont publié des catalogues raisonnés (rires), je trouve que c’est difficile.
NR : Oui, parfois les catalogues raisonnés sont l’œuvre de toute une vie.
CA : Je ne sais pas si ça finit par avoir un sens de trouver tous les détails et de décrire tous les éléments qui peuvent redessiner une vie, une histoire. Ça ne s’arrête pas, chaque nouvelle question, chaque interlocuteur, chaque œuvre qui émerge, ouvrent de nouveaux champs d’investigation et c’est assez vertigineux. Ce qui est intéressant, c’est qu’on passe d’un moment où on a l’impression d’avoir fait un peu le tour des choses, de trouver qu’on ne progresse plus et que terrain devient un peu inerte et puis, tout à coup, les choses se remettent en mouvement.
NR : Oui, cet aspect vivant et exponentiel de l’archive est tout à fait passionnant. D’ailleurs, à travers le travail que vous faites pour le catalogue raisonné, arrivez-vous à resituer votre père dans un mouvement, une école ? Ou, au contraire, est-ce que Shafic Abboud devient de plus en plus inclassable au fur et à mesure de vos recherches ?
CA : J’ai un peu de mal à répondre à cette question parce que je ne suis pas historienne de l’art, et malgré ce que je sais, j’ai du mal à le rapprocher d’un mouvement en particulier, c’est toujours un peu artificiel de faire entrer des artistes comme lui, un peu atypiques, un peu à la marge, dans des écoles.
NR : Est-ce que lui-même s’est défini de son vivant ?
CA : Oui et non. J’ai lu des articles dans lesquels il se définit et des articles dans lesquels il est absolument opposé à une quelconque classification. Je ne crois pas qu’il entrait foncièrement dans une école quelconque, ni dans un mouvement mais c’était assez changeant, peut-être aussi pour répondre aux attentes des critiques.
NR : C’est souvent le jeu des artistes d’adapter leur discours aux divers interlocuteurs dans leur construction autobiographique…
CA : Ce que je sais c’est qu’il était proche de préoccupations qui chronologiquement se télescopent. Il était à la fois de son époque et en dehors. Il se sentait proche de certains peintres de la Renaissance et de l’abstraction pure ; d’autres attaches très importantes étaient réparties dans le temps et dans l’espace. Je ne pense pas qu’il se sentait appartenir à l’École de Paris tout en en faisant partie et tout cela est un peu instable comme définition. Mais oui, je pense foncièrement qu’il est un peu inclassable.
NR : C’est une bonne chose d’être un peintre inclassable ?
CA : Oui, c’est une bonne chose mais difficile à la fois parce qu’on a l’impression que pour qu’on parle de vous, il faut être repérable d’une façon assez simple dans la proposition artistique qu’on fait, dans le mouvement auquel on appartient. Et quand on est un individu en électron libre, c’est plus compliqué.
NR : Vous m’aviez dit une fois que Shafic Abboud était quelqu’un qui n’aimait pas forcément qu’on parle de lui et qui refusait qu’il y ait une monographie de son œuvre. Mais sa réception fut pourtant importante de son vivant et de nombreux articles et entretiens ont été publiés sur lui tant dans la presse libanaise que française.
CA : Oui mais je crois que c’était à chaque fois un problème, je ne pense pas qu’il se pliait à cet exercice facilement et que c’était très angoissant pour lui. En tout cas, s’il y a quelque chose qui concentrait cette angoisse, c’est bien la question de la monographie. À la fin de sa vie, certains pensaient qu’il fallait faire une monographie et que ça serait une mise en valeur de son œuvre, de son parcours. Mais lui pensait, au contraire, que ça serait son enterrement. Le moment où on faisait une monographie, où on figeait l’œuvre ou qu’elle était un peu décryptée était pour lui quelque chose qui était de l’ordre de la postérité et pas de son travail en mouvement. Donc il n’y pas eu de son vivant de monographie et en même temps, il n’a jamais été indifférent à cette question, ça l’a aussi obligé à organiser l’archive. Au fil du temps, il gardait les articles, les photos, il écrivait, il y avait une volonté de dire : il faut que je pose les choses. Il y avait donc ces deux mouvements parallèles ; le refus complet de la monographie et en même temps l’organisation de l’archive.
NR : Dans tous les cas, il semble qu’il ait pensé à la postérité avec cette démarche d’organisation et de documentation de l’archive ?
CA : Je pense qu’il a vraiment travaillé pour la postérité, c’était une préoccupation essentielle. En même temps, j’ai l’impression qu’il était dans une démarche autobiographique, qu’il était en train d’écrire sa propre histoire mais pour lui.
NR : Comme si l’autobiographie était une source d’inspiration ?
CA : En 1984, il fait une peinture qu’il appelle Hommage à moi-même (fig. 4). C’est quand même étrange car la même année, il peint un Hommage à Van Gogh, un Hommage à Bonnard et au milieu, il y a son « hommage à lui-même ». Il faut soit avoir beaucoup d’humour, soit être très anxieux de l’avenir, soit avoir un égo surdimensionné pour raconter son histoire. La narration autobiographique a toujours été très claire et centrale, mais c’est à partir des années 1980 qu’émerge le thème du retour, de la nostalgie. Ce tableau est pensé comme un « livre » qui n’aurait pas une narration linéaire et qui se base sur des souvenirs qui viennent alimenter la peinture.
NR : C’est donc une construction autobiographique qui se situe tant dans sa documentation de la peinture que dans sa démarche picturale ?
CA : Oui, c’est une conjugaison de choses ; je peins mon autobiographie, j’archive mon autobiographie. Tout cela concourt à créer une autobiographie qui lui est destinée aussi je pense.
NR : L’organisation sérielle des « hommages » caractérise-t-elle son œuvre ?
CA : Dans les années 1980 à 1990, c’est tout un mouvement, toute une série dans laquelle il ré-agence des œuvres pour faire un livre. Le projet initial était de faire un Livre de la Nostalgie avec des souvenirs d’enfance, des émotions en collaboration avec un poète, probablement Adonis. Et finalement, il compose un tableau avec un ensemble de petites œuvres qu’il destinait à ce le Livre de la Nostalgie qui devient Hommage à moi-même.
NR : Cet intérêt pour la poésie était-il aussi lié à celui pour la langue arabe ?
CA : Oui, il maîtrisait parfaitement le dialecte libanais mais il s’est remis à l’étude de l’arabe classique parce que ça l’intéressait d’étudier les poètes classiques. C’était vraiment quelque chose qui le rendait heureux intellectuellement, la beauté de la langue, ces séances d’études lui plaisaient beaucoup. Mais c’était un grand lecteur de poésie à la fois arabe et occidentale.
NR : Pouvez-vous parler de son rapport au livre ?
CA : Le rapport au livre, indépendamment de la calligraphie, est intéressant parce qu’il fait des livres de peinture. Cet entre-deux entre la narration et une écriture graphique, cette « écriture peinte » est quelque chose qui revient assez régulièrement. Il a produit une dizaine de livres peints, d’assez grand formats, mais pas, par exemple, comme les leporellos d’Etel Adnan, il s’agit plutôt de peintures constituées en livres.
NR : Comment décririez-vous ces « livres peints » ?
CA : Il y a dans tous les cas quelque chose de l’ordre de la narration qui est essentiel. Dès le départ, il y a la composition de modules, qui reprend l’idée des icônes, de penser la narration comme on le voit dans certaines fresques. C’est aussi la narration telle qu'on peut la trouver dans certaines fresques byzantines, comme par exemple celle de Torcello, puisqu'il passe très tôt par Venise et l'Italie et y est très profondément marqué. On le voit ensuite dans certaines toiles comme Hommage à moi-même qui est sans doute le paroxysme de cette façon de proposer les choses entre le livre et la toile, un espace commun. La peinture-livre et le livre-peinture.
NR : Et sa manière de documenter les différentes étapes de la création semble aussi nous ramener à cette idée de la narration…
CA : Oui, il a constitué toutes sortes de cahiers dans lesquels il a commenté les photographies des différentes étapes du travail qui est derrière le tableau fini. Il y a toujours quelques traits d’ébauche et puis après, ça peut être un chamboulement complet, surtout dans la couleur et après, dans la composition, il peut y avoir quelques ajustements. C’est intéressant de regarder les progressions de certaines œuvres. Dans les archives, il y a des cahiers de petits travaux préparatoires, des cahiers plus techniques, des photos. Mélanger des cahiers personnels de notes, c’était quelque chose qui l’intéressait beaucoup.
NR : Malgré ce goût chez Shafic Abboud pour la narration, la langue et la poésie, il ne s’est jamais rapproché du mouvement hurufi qui intègre la calligraphie arabe, comme d’autres artistes de sa génération ?
CA : En effet, il ne travaillait pas la calligraphie. Il a illustré les Maqamât de Hariri où il y a un travail de calligraphie mais qui n’est pas développé comme support. Il y a très peu d’exemples de toiles dans lesquelles il intègre de l’écriture ou de la typographie, il y a quelques incursions mais ça n’est pas sa préoccupation, ni sa façon de restituer une culture.
NR : Pensez-vous que c’est une des raisons pour lesquelles sont œuvre a connu un engouement relativement récent, parce qu’il n’avait pas le label ethnicisant du « peintre arabe » pour le marché ?
CA : Peut-être effectivement qu’il était trop en transit, trop difficile à classer, et que ça participe aussi de la difficulté à le repérer.
NR : Le fait d’être Libanais et de travailler à Paris est évidemment très important pour son œuvre. Comment vivait-il cette double appartenance ?
CA : Je crois qu’on lui rappelait tout le temps qu’il était Libanais et moi-même, je suis toujours étonnée de voir que dans les ventes aux enchères, il est toujours qualifié d’« artiste libanais ». C’est comme ça qu’il est présenté, c’est un peu gênant, c’est une étiquette qui pose une frontière là où il ne devrait pas y en avoir. C’est difficile d’avoir cette double appartenance ou plutôt cette double-non appartenance, ces mélanges complexes, ces bribes dans lesquelles on veut absolument trouver des choses qui certes sont présentes mais qui sont tellement travaillées que parfois elles s’estompent.
NR : En effet, le marché de l’art aime bien les étiquettes. Il a pourtant été reconnu de son vivant comme peintre abstrait mais étonnement, sa réception critique fait encore défaut.
CA : J’ai souvent eu le sentiment que c’était un grand peintre et pas du tout un peintre adapté au marché. Enfin, il y a l’œuvre et la vie d’un peintre et ensuite les enjeux financiers du marché qui n’ont finalement pas grand-chose à voir avec la vie du peintre.
NR : Oui, une des grandes difficultés qu’on a en tant qu’historien.ne de l’art, en particulier avec des artistes comme Shafic Abboud, c’est qu’on a envie de montrer cette finesse, on a envie de montrer pourquoi c’est important qu’il soit Libanais, comme, par exemple, avec ce lien à la poésie et qu’en même temps, on a peur de rétrécir le champ. Le grand défi est de rendre toute cette complexité en évitant ces pièges essentialisants. À mon avis, cela est rendu possible, entre autres, par l’archive.
CA : Autre chose qui est assez compliquée c’est que c’est un peintre de l’intime, très personnel et que ce travail sur l’archive touche au psychisme d’un artiste.
NR : Et c’est sans doute d’autant plus délicat quand il y a cette proximité du lien familial et sa mémoire.
CA : Oui, une de mes difficultés majeures c’est de faire la part des choses entre l’archive, des éléments factuels, la mémoire que j’ai de mon histoire familiale qui parfois ne correspond pas à ce que je trouve dans les documents. C’est compliqué de remettre les choses à leur bonne place, de voir où sont les inventions, les espoirs, les oublis, les élucubrations et la relation que j’ai avec mon père. J’ai l’impression que ça fait trois terrains qui parfois fonctionnent assez bien ensemble et d’autres fois sont assez divergents, contradictoires. Donc, ça n’est pas toujours évident d’essayer de restituer tout cela, d’avoir une gestion des archives qui ne soit pas biaisée, c’est toujours délicat de ne pas trahir.
NR : En même temps cet aspect de la mémoire familiale, l’intimité du peintre, il n’y a que vous qui l’avez.
CA : Oui, mais il faut toujours être en alerte parce que même sur des choses assez anodines, au-delà de la façon dont il a constitué son archive, tout est susceptible de réorganiser un monde qui n’est pas forcément toujours conforme à la réalité.
NR : Il a aussi fabriqué pour vous des œuvres ludiques quand vous étiez enfant, non ?
CA : Oui, j’ai une chose qui est absolument merveilleuse qui est une sorte de cinéma qu’il m’a fabriqué dans une boîte en bois peint (Le Cinéma de Christine, 1965 – figures 5a et 5b). On regardait à travers un hublot des petits films peints par lui qui défilaient ; c’était pour lui un souvenir d’enfance et pour moi une sorte de bulle imaginaire. Je l’ai toujours et c’est une merveille qui m’a fait entrer dans un monde tout à fait particulier. Il aimait beaucoup la fabrication d’objets, fabriquer des petites choses autour de lui pour accrocher ses pinceaux, pour poser ses palettes.
NR : Est-ce que vous le qualifieriez de « bricoleur » ?
CA : Oui, il fallait que tout participe de choses créatives et ça emplissait l’espace, même la couleur de la cuisine était quelque chose qui l’intéressait, enfin on a eu pendant des années une cuisine rose pétard (rires).
NR : Ça, je n’ai aucun mal à me l’imaginer parce que c’est un coloriste extraordinaire. Et quel était son rapport à l’artisanat ?
CA : C’était un rapport très fort, il avait beaucoup d’intérêt pour l’artisanat. Il faisait de la tapisserie, de la poterie, des sortes d’adjuvants qui alimentaient sa peinture. C’était à la fois périphérique, une activité un peu adjacente, tout en étant faite avec passion. Il a aussi fait une tapisserie qui s’appelle Au fil des jours (1973-72) inspirée par les tapisseries de l’école du pédagogue et architecte égyptien Ramsès Wissa Wassef dont il possédait deux tapisseries. Là encore il tissait-racontait.
NR : Comment s’est-il formé à la poterie et à la tapisserie ?
CA : Il est allé se former auprès d’artisans, auprès de son ami, l’écrivain et historien Gérard Khoury qui dans son parcours alimenté par des choses multiples faisait aussi de la poterie et auprès d’un ami spéléologue et archéologue, Sami Karkabi, qui était au Liban et qui s’est aussi beaucoup intéressé à la tapisserie. Il allait aussi dans les ateliers de ses amis sculpteurs.
NR : Est-ce qu’il dissociait complètement l’artisanat de sa peinture ?
CA : Il avait une tendresse et de l’admiration pour les artisans. Avec l’artisanat, il y avait peut-être pour lui quelque chose de plus doux, avec des enjeux moindres.
NR : Et dans ce monde de la famille justement, quelle place occupait la peinture ?
CA : J’ai toujours eu l’impression que mon père était un peintre. C’est-à-dire que ça prenait une place absolument incroyable dans la vie, dans le quotidien, dans tout ce qui fait la personnalité, les préoccupations et les conversations. Et ça vous entoure aussi physiquement, ce sont des objets, c’est quelque chose qui est constitutif. Je n’ai pas toujours vécu avec mon père, il y a aussi eu des moments où il enseignait au Liban mais la peinture était indissociable de sa présence. Quand j’étais enfant, j’allais une fois par semaine à l’atelier. Plus tard, je devais régulièrement aller voir ses tableaux parce qu’il voulait voir comment je regardais sa peinture. C’était un rapport dans lequel il m’interrogeait, il fallait qu’il regarde mon regard, j’étais convoquée à l’atelier, il me montrait des œuvres… pas forcément besoin de parler, mais il y avait quelque chose dans ma réception de sa peinture qui l’intéressait. C’était aussi une façon de m’emmener dans sa pratique.
Christine Abboud est née en 1962, de l’union de Shafic Abboud avec la sociologue Nicole de Maupéou. Elle vit en France et travaille sur l’œuvre du peintre depuis une quinzaine d’années.
Nadia Radwan est professeure assistante en histoire mondiale de l’art à l’Université de Berne. Ses recherches se centrent sur les arts visuels du Moyen-Orient.
How to cite this interview: Nadia Radwan et Christine Abboud, "Shafic Abboud : Archives d’un peintre, archives d’un père, une expérience à la croisée des mémoires et des documents", Manazir: Swiss Platform for the Study of Visual Arts, Architecture and Heritage in the MENA Region, 12 July 2021, https://www.manazir.art/interview-shafic-abboud-radwan-abboud